Le début d'un nouveau cycle
Après une entame de championnat ratée, l'éviction de l'entraîneur bordelais Elie Baup en octobre 2003 avait symbolisé la fin d'un cycle débuté en 1997 et durant lequel les Bordelais s'étaient toujours hissés dans les six premières places du classement de Ligue 1, remportant même le titre de champion en 1999. Il fallait rebâtir une équipe compétitive, et c'est à Michel Pavon, capitaine des champions 1999, que cette tâche fut confiée. Dès ses premiers matches à la tête de l'équipe girondine, celui-ci va faire appel aux jeunes du centre de formation et ainsi donner naissance à la «génération Mavuba» . Celle-ci est composée de l'attaquant Marocain Marouane Chamakh, auteur de 5 réalisations depuis le mois d'Août dont un triplé face à Nice lors de la 2ème journée, qui semble avoir franchi un pallier important depuis ses débuts dans l'élite il y a deux saisons. Autre «Pavones» , le Franco-Argentin Pablo Francia. Ce milieu offensif, spécialiste des coups de pieds arrêtés, a inscrit 7 buts l'an passé. Son compteur pour la saison 2004-2005 est encore vierge, mais il reste un titulaire indiscutable dans l'équipe bleu marine.
En défense, le solide Marc Planus, 22 ans, a joué toutes les rencontres de championnat dans leur intégralité depuis le début de la saison, preuve de la confiance que lui accorde son entraîneur. Enfin, Rio Mavuba, 20 ans, a connu une ascension ultra-rapide : en un an, il est passé du statut de réserviste à celui d'international français. La Juve et le Real souhaiteraient même l'engager ! Véritable plaque tournante du jeu bordelais, Mavuba est le symbole de cette jeune classe lancée dans le grand bain par Pavon. A ces joueurs du cru bordelais s'ajoutent quelques jeunes recrutés dans des clubs de division inférieure. C'est le cas de Julien Faubert, 21 ans, arrivé cet été en provenance de Cannes. Cet arrière droit est devenu grâce à sa rapidité et à la précision de ses centres l'un des défenseurs latéraux les plus en vue du championnat ces dernières semaines. Le milieu de terrain de 20 ans Renaud Cohade, venu du Nîmes Olympique, ne devrait pas tarder non plus à faire parler de lui. L'avenir appartient à la jeunesse bordelaise !
Pour encadrer ces footballeurs inexpérimentés, Michel Pavon dispose dans son effectif de quelques éléments rompus aux joutes de la Ligue 1. C'est le cas du gardien de buts Ulrich Ramé. Agé de 32 ans, le capitaine bordelais, qui compte 11 sélections en équipe de France, évolue en Gironde depuis 1997. C'est également en 1997 que le latéral droit David Jemmali (30 ans) est arrivé à Bordeaux, avec qui il a disputé plus de 220 rencontres parmi l'élite. Avec Lilian Laslandes (33 ans), qui a porté le maillot bordelais entre 1997 et 2001 avant de s'expatrier puis de revenir cette saison, ils font figure d'anciens de la maison girondine. Leur présence dans l'effectif girondin apporte calme et maturité à un groupe dont la moyenne d'âge se situe autour des 23 ans. Franck Jurietti, Cyril Rool ou Jean-Claude Darcheville, du haut de leurs 29 ans, jouissent également d'un passé conséquent en première division française ou étrangère. Leur vécu important leur permet de tenir un rôle de grands frères au sein de l'équipe bleue marine. Camel Meriem, qui n'a encore que 25 ans, épouse un profil semblable : il a déjà a disputé une finale de coupe d'Europe sous le maillot de l'OM et effectué en novembre sa première apparition sous le maillot de l'équipe de France. Enfin, l'effectif a enregistré cet été l'arrivée du défenseur grec Mihalis Kapsis, en provenance de l'AEK Athènes. Vainqueur de l'Euro portugais avec se sélection au mois de juin, Kapsis avait impressionné le continent tout entier par sa rigueur et sa maîtrise. Il est le seul champion d'Europe à évoluer en France. L'équipe de Michel Pavon est donc un parfait amalgame entre la fraîcheur de la «génération Mavuba» , pleine d'avenir, et l'expérience du «clan Ramé» . Ce mélange d'insouciance et de maturité est pour beaucoup dans l'équilibre général de l'équipe de Bordeaux.
Une situation encore fragile
Au vu des résultats et du classement des Bordelais, on peut dire que les hommes de Michel Pavon naviguent entre deux eaux. Certes, le bilan comptable est bien meilleur que celui de l'an dernier : avec 26 points, Bordeaux occupe la sixième position de la Ligue 1. Jamais depuis la 7ème journée les coéquipiers de Camel Meriem ne sont descendus plus bas que la septième place. Hélas, et c'est là tout le problème, ils ne sont pas parvenus non plus à occuper plus de deux fois un des quatre premiers rangs. Il semble encore manquer aux Girondins le coup de rein nécessaire pour se hisser parmi les toutes meilleures équipe de notre championnat. D'une incontestable régularité, Ramé et les siens souffrent de leur trop grand nombre de matches nuls. Au bout de 18 journées, les Bordelais ont du se contenter à 11 reprises d'un partage des points. Une insuffisance qui frappe aussi bien sur les terres bordelaises (6 résultats nuls) qu'à l'extérieur (5 fois), et qui tronque les statistiques girondines. Même invaincus dans leur antre de Chaban-Delmas, les joueurs ne Michel Pavon ne seraient que 10ème de L1 si le classement ne prenait en compte que les matches joués à domicile. En outre, si Bordeaux est, après l'Olympique Lyonnais, l'équipe qui a le moins perdu en championnat avec seulement deux défaites, son faible nombre de victoires (5 en tout) ne lui assure qu'une progression ralentie, marche après marche, point par point. A ce rythme, les Bordelais ne réussiront jamais à distancer leurs poursuivants : de Sochaux à Metz, sept équipes se tiennent à trois points maximum des Girondins. Les équipes de tête, elles, ont déjà pris le large, Lyon et Lille comptant respectivement 9 et 12 points d'avance sur les coéquipiers de Marouane Chamakh. Une situation ambivalente et pour le moins inconfortable.
A quoi sont dus tous ces résultats nuls ? Le secteur défensif, relativement improductif, est mis en cause. Pourtant, avec 20 buts au compteur, l'attaque bordelaise présente un bilan a priori satisfaisant : Lyon, le leader, n'a marqué que deux buts de plus et l'attaque stéphanoise, la meilleure de Ligue 1, en est à 24 réalisations. Mais à y voir de plus près, cette statistique répond davantage à quelques coup d'éclats sans lendemain qu'à une performance inscrite sur la durée. Si on enlève les trois larges succès face à Nice lors de la 2ème journée (5-1), à Bastia fin septembre (1-4) et face au PSG il y a un mois et demi (3-0), que reste-t-il ? Pas grand-chose, à vrai dire : douze des vingt buts girondins ont été inscrits lors de ces trois rencontres, les huit autres s'étalant sur 15 matches. Pire, la ligne offensive mise en place par Michel Pavon est restée muette à neuf reprises ! Un chiffre qui en dit long sur l'irrégularité de son rendement.
Les meilleurs buteurs de Bordeaux sont Marouane Chamakh et Lilian Laslandes, qui comptent chacun 5 réalisations à leur actif. Meriem, juste derrière, en est à 4 buts. Autrement dit, il n'y a pas de buteur attitré dans l'équipe de Pavon : excepté son triplé face à Nice, Chamakh occupe plus un rôle de pivot-remiseur, bien aidé en cette tâche par sa grande taille, que de buteur. Laslandes est prolifique, mais des problèmes physiques récurrents entravent sa régularité. Le retour de Jean-Claude Darcheville il y a un mois, après un an d'absence pour cause de blessures à répétitions, changera-t-il la donne ? Face aux carences offensives de l'équipe, Bordeaux doit son bon positionnement à une défense très solide : l'arrière-garde girondine n'a été prise à défaut qu'à neuf reprises depuis le début de l'exercice 2004-2005, ce qui en fait la deuxième meilleure équipe du championnat dans ce domaine derrière l'OL et ses 7 buts encaissés. Avec une attaque faible et une défense solide, il est logique que Bordeaux accumule les matches nuls, en particulier les 0-0. Les Girondins en comptent 7 depuis l'entame de la saison, dont trois lors des trois dernières journées de championnat ! Difficile dans ces conditions de grappiller des points sur les équipes de tête...
Meriem, symbole du renouveau bordelais
Le redressement girondin est à mettre en parallèle avec la résurrection de son meneur de jeu Camel Meriem. Petit retour en arrière : Meriem rejoint Bordeaux à l'été 2001 en provenance de Sochaux. Seulement âgé de 21 ans à l'époque, le Lionceau est présenté comme le «futur Zidane» , comme il est coutume de faire à chaque fois qu'un numéro 10 prometteur fait son apparition. Hélas, les deux saisons qui vont suivre ne vont pas répondre aux espérances du joueur et de son nouveau club. Sur le terrain, le joueur semble perdu, bloqué, et la plupart de ses performances laissent le public et son entraîneur Elie Baup sur leur faim. La deuxième saison de Camel Meriem ressemble à la première : en manque total de confiance, l'ancien meneur de jeu de l'équipe de France Espoir ne confirme pas le talent montré sous le maillot sochalien. Il fait désormais figure d' «éternel espoir» , comme beaucoup de jeunes avant lui n'ayant pas réussi à confirmer des qualités précocement entrevues. Les dirigeants girondins vont alors faire le bon choix en prêtant leur joueur à l'Olympique de Marseille. A priori, jouer à Marseille n'a rien d'une séance de remise en forme : la pression y est plus grande encore que sur les bords de la Garonne, et dans l'effectif pléthorique de l'OM version 2003-2004, Meriem n'est même pas assuré d'être titulaire. En quelques mois, le joueur retrouve son niveau et devient la plaque tournante du jeu phocéen. Quelques prestations de haut vol illustrent la réussite de sa saison, notamment du côté de Milan où, face à l'Inter, Meriem offre une qualification pour les demi-finales de la Coupe UEFA à son équipe en inscrivant l'unique but de la rencontre. Les dirigeants bordelais ne s'y trompent pas et refuse de céder leur joueur à l'OM durant l'intersaison.
Ce début d'exercice 2004-2005 est une réussite, pour Camel Meriem. Positionné milieu droit mais n'hésitant pas à se recentrer, pour faire valoir ses qualités naturelles de numéro 10, Meriem marque quatre fois, ce qui constitue déjà , au bout d'un demi-championnat à peine, son record personnel. Egalement auteur de deux passes décisives, l'ancien Sochalien est le bordelais le plus en vue de cette fin d'année 2004. Le titre de «Meilleur joueur du mois de novembre» l'atteste. Mais surtout, une première sélection en équipe de France, honorée le 17 novembre dernier au Stade de France face à l'Eire, est venue récompenser le Meriem nouveau. Tout Bordeaux compte désormais sur son milieu de terrain pour retrouver les sommets.
A mi-championnat, Bordeaux est à la croisée des chemins : doit-il viser les premières places ou avant tout surveiller ses arrières ? L'avenir dira si les hommes de Michel Pavon ont les moyens de confirmer ce qui ressemble bien au début d'une nouvelle époque.