De la rancoeur, de la colère, de la honte : au lendemain de l'élimination pitoyable des Bleus, éjectés d'Afrique du Sud sur un zéro pointé, les journaux français s'en donnent à coeur joie, éparpillant, façon puzzle, ce qu'il reste de la non-équipe de France. «La fin d'un monde» , titre L'Equipe. Dans son éditorial, Fabrice Jouhaud résume bien le sentiment général. «Prendre les gens pour des imbéciles peut être un jeu amusant mais qu'il faut savoir cesser, écrit notre confrère. La provocation est un art subtil et sans doute une forme d'intelligence, sauf lorsqu'elle est tachetée de morgue et d'arrogance.» Et le quotidien sportif de réclamer un gros coup de balai sur le Conseil fédéral de la 3F, qualifié d' «inerte» et «dépassé par les événéments.»
«Et encore bravo !» , titre ironiquement Libération, qui fait mieux en pages intérieures, en plaçant un «Et un, et deux, et 23 zéros» . Dans son édito, le quotidien de la rue Béranger ne s'étonne pas plus que cela du bilan cataclysmique de cette équipe bleue pâle. «Après tout, cette équipe qui vient d'échouer lamentablement avait commencé sur une tricherie» , note Laurent Joffrin. Même ton grinçant dans Le Parisien, qui espère à propos des Bleus que «leur carrière [en souffre]» . «Merci et au revoir !» , titre le quotidien francilien, qui désigne en Une le principal responsable de ce fiasco : Raymond Domenech. Plus cinglant encore, le gratuit Métro se contente d'un simple mais efficace «Tchao Pantin» pour illustrer la photo du sélectionneur sortant.
Ego démesuré
La presse régionale n'est pas en reste. «Du goudron et des plumes» , flingue La Dépêche. Pour Sud-Ouest, «rarement défaite n'aura été accueillie avec autant de soulagement… Mieux aurait valu que les Bleus n'aillent jamais en Afrique du sud.» La recherche des responsables a commencé. Les Dernières Nouvelles d'Alsace pointent un doigt accusateur sur ces «stars millionnaires de 24 ou 25 ans» , «ces jeunes à l'ego démesuré.» Même ton moralisateur dans les colonnes de L'Est Républicain, qui dénonce «des joueurs d'une médiocrité affligeante sur le terrain, pourris par le fric et élevés dans la vie à certaines lois indignes de la cité, sans valeurs, sans respect, sans éducation.»
La rancoeur n'empêche pas la lucidité. Pour Jacques Camus dans la République du Centre, «une seule chose s'imposerait aujourd'hui: un renouvellement radical des structures dirigeantes du football français» Et de s'étonner que Jean-Pierre Escalettes n'ait pas la décence de démissionner. «Preuve de son incompétence: il est bien le seul, après avoir perdu, à vouloir encore jouer les prolongations.» Bientôt viendra le «grand déballage» , promis par France Soir. Le feuilleton bleu de l'été n'en est pas à son dernier épisode…