
Des ambitions affichées :
Les deux dernières saisons du Racing Club de Lens se sont conclues par une 8ème place au classement. Une position modeste pour un club qui, en 2002, n'a perdu le titre qu'à la dernière journée. En fin de saison dernière, le président lensois Gervais Martel a donc tapé du poing sur la table, promettant à ses supporters «deux participations à la Ligue des Champions d'ici 2009» . Un plan quinquennal audacieux mais accessible pour un club épargné par les problèmes budgétaires. En outre, les résultats moyens de l'équipe nordiste s'ajoutaient à une qualité de jeu médiocre que Gervais Martel avait lui-même fustigé au mois de mai dernier : «on s'ennuie à Bollaert» , avait-il alors déclaré. Le challenge était donc double pour le RC Lens version 2004-2005, condamné à gagner avec la manière. Le président lensois s'est donné les moyens de ses ambitions en renouvelant l'effectif de Joël Muller de façon spectaculaire. Le club a mis fin à la filière africaine, l'une de ses marques de fabrique, devenue trop handicapante les années de Coupe d'Afrique des Nations. Rigobert Song, le capitaine du Cameroun, a ainsi rejoint les Turcs de Galatasaray. Le Sénégalais Papa Bouba Diop porte désormais le maillot de Fulham, en Angleterre, et son compatriote Abdoulaye Diagne Faye celui du FC Istres. Ne restent plus dans l'effectif de Joël Muller que les Maliens Seydou Keita et Adama Coulibaly, l'Ivoirien Dagui Bakari et le Sénégalais Pape Sarr. Autres départs importants, ceux de Zoumana Camara, parti à Saint-Etienne, de Cyril Rool, néo-Bordelais, et surtout de Daniel Moreira, convaincu par le défi toulousain. Coridon a quant à lui rejoint le PSG quelques minutes seulement avant la clôture du marché des transferts.
Pour réussir son recrutement, Lens s'est tourné vers des joueurs habitués aux pelouses de Ligue 1. La liste des nouveaux venus a fière allure. On y trouve Nicolas Gillet, formé à Nantes, qui évoluait en L1 sous le maillot des Canaris depuis 1998. Il compte une sélection en équipe de France, honorée en 2001 face à l'Australie lors de la Coupe des Confédérations. C'est par ailleurs un spécialiste des coups de pied arrêtés. Le latéral Eric Cubilier est passé par Monaco et le PSG avant de poser ses valises en terre lensoise. Alou Diarra, qui vient d'honorer sa première sélection en bleu face à l'Eire au Stade de France, est un des milieux défensifs les plus en vue du championnat. A seulement 23 ans, il a déjà connu le Bayern Munich, Le Havre et Bastia. L'arrière central brésilien Vitorino Hilton intègre lui aussi l'effectif de Joël Muller en provenance de Bastia, où il est arrivé en janvier 2004. En six mois, il est parvenu à se faire un nom parmi les défenseurs les plus réguliers de la Ligue 1. Daniel Cousin, auteur de 11 buts l'an passé avec Le Mans, était convoité par de nombreux clubs tels que Sochaux ou Rennes. Jérôme Leroy est également rompu aux joutes de l'élite, puisqu'il a porté les maillots parisiens et marseillais. Il reste par ailleurs sur une excellente saison à Guingamp. Enfin, le «coup» du RC Lens reste la venue d'Eric Carrière, vainqueur des quatre derniers titres de Champion de France (avec Nantes en 2001, avec Lyon les trois saisons suivantes). Expert en passes décisives, fort d'une expérience internationale non-négligeable (il compte 10 sélections en équipe de France, pour 5 buts), Carrière a été intronisé capitaine de l'équipe à peine arrivé dans le Pas-de-Calais. Fort d'un recrutement équilibré et réfléchi, le Racing Club de Lens pouvait légitimement nourrir de belles ambitions à l'aube de ce championnat 2004-2005. L'équipe-type lensoise depuis le début du championnat est la suivante : devant le gardien Charles Itandje, Joël Muller a placé une ligne défensive composée de quatre joueurs. Hilton et Gillet occupent l'axe, tandis que Cubilier et Lachor animent les flancs. Alou Diarra joue milieu défensif derrière deux milieux excentrés, Keita à gauche et Leroy à droite. Eric Carrière se positionne dans l'axe en numéro 10 derrière un duo d'attaque Utaka-Cousin. Les seuls changements jusqu'alors ne résultent que de suspensions ou de blessures (celle de Lachor, par exemple, a entraîné la titularisation du jeune Assou Ekotto).
Un début de saison moyen :
Les premiers matches de la saison vont confirmer tout le bien que cette formation lensoise laissait présager. Après un match nul à Toulouse lors de la première journée (0-0), les Sang et Or vont aligner deux victoires probantes contre Saint-Etienne à Bollaert (3-0) et à Istres (2-0). Après trois journées de Ligue 1, le RC Lens perçait même en tête du championnat avec 7 points. Mais depuis, les coéquipiers de Carrière ne sont plus parvenus à remporter une seule rencontre, retombant petit à petit dans le ventre mou du classement. Comment expliquer cette soudaine stagnation ?
Il est important de remarquer que, s'il ne gagne plus, le club nordiste perd peu. En 9 journées, il n'a concédé que deux défaites. Ce sont avant tout les 5 matches nuls des Sangs et Or qui retiennent l'attention. Souvent dominateur, les hommes de Joël Muller peinent à prendre le dessus sur des adversaires souvent à leur portée. La rencontre à domicile face au PSG en est la démonstration. Pendant 90 minutes le Racing va dominer son adversaire de la tête et des épaules, sans jamais parvenir à ouvrir le score. Au contraire, un Paris Saint-Germain très réaliste marquera par deux fois grâce à Lorik Cana et Fabrice Pancrate. Ce n'est que dans les dix dernières minutes que, bénéficiant du coupable relâchement de joueurs parisiens en plein doute, Bak et Hilton parviendront à accrocher un point. Mais que d'occasions il aura fallu aux joueurs locaux pour enfin marquer ! Au final, le RC Lens ne prend qu'un seul point sur sa pelouse face à un adversaire fragile et convalescent. Ce manque de réalisme ne peut être imputé à un seul homme. On constate cependant que Daniel Cousin, le buteur de l'équipe, n'a marqué que deux buts, dont un penalty, en 9 titularisations. L'ancien manceau, qui a prouvé son efficacité par le passé, semble actuellement manquer de confiance et de soutien. Pour preuve, les deux autres joueurs à se partager le titre de «meilleur buteur lensois» , avec deux réalisations, sont Seydou Keita et Hilton, respectivement milieu de terrain et arrière central. Y a-t-il une pénurie d'attaquants dans l'effectif Sang et Or ? A l'exception de Cousin, Utaka et Bakari, dont Joël Muller était prêt à se séparer durant l'été, aucun attaquant de renom ne figure dans l'équipe lensoise. Thomert, excellent la saison passée, revient quant à lui tout juste de blessure. Avec 11 buts inscrits, un bon score, l'attaque du Racing Club de Lens n'est pas à proprement parler le point faible de l'équipe. Mais Joël Muller aura-t-il assez de solutions de rechange pour pallier aux éventuelles blessures ou méformes des uns et des autres ?
La défense connaît elle aussi certaines difficultés. La dernière journée de championnat a vu Lensois et Ajacciens s'affronter à Bollaert. En ouvrant le score au bout de cinquante secondes de jeu, on pensait que Diarra avait fait le plus dur face à une équipe recroquevillée en défense, venue jouer le match nul. Les Sangs et Or devaient tenir. Mais ils vont se faire rejoindre presque dans la foulée sans jamais parvenir à reprendre l'avantage. Joël Muller et ses joueurs laisseront une fois de plus filer deux points à domicile. Contre Strasbourg et Paris, les Pas-de-Calaisiens ont encaissé à chaque fois deux buts face à des équipes qui pensaient plus à ne pas perdre qu'à gagner. Si, lors des trois premières journées, la défense était restée inviolée, elle a encaissé depuis huit buts en six rencontres. Ce bilan n'est pas catastrophique, répondant davantage à un manque de confiance grandissant au sein de l'équipe qu'à de réels problèmes d'organisation. Il demeure cependant insuffisant pour prétendre disputer le haut du tableau.
Quel avenir ?
Tout n'est pas noir à Lens, loin s'en faut. D'ailleurs, les Sangs et Or ne sont pas derniers du classement. Mais s'ils veulent respecter les promesses de leur président, les joueurs nordistes vont devoir améliorer leur bilan comptable. L'équipe-type lensoise a été renouvelée aux trois-quarts. Il est donc logique que la mayonnaise ne prenne pas immédiatement. Mais quand Carrière, Leroy, Cousin ou Gillet, qui sont tous des joueurs de grande qualité, auront parfait leurs automatismes, nul doute que le RC Lens se redressera. L'efficacité, le réalisme, restent également à trouver. La saison dernière, le buteur Daniel Cousin n'avait pas marqué avant la 12ème journée. Il avait terminé le championnat avec le total très honorable de 11 buts, soit le dixième meilleur du classement des buteurs. Cette année encore, le joueur de 27 ans pourrait accélérer sa cadence au fil des journées jusqu'à trouver son rythme de croisière. Il vient d'ailleurs d'inscrire un triplé en match amical face à Amiens. Olivier Thomert, indispensable l'an dernier, était titulaire pour la première fois contre Ajaccio, lors de la 9ème journée. Son retour à la compétition pourrait coïncider avec le réveil des Sang et Or.
Le beau jeu tant attendu du côté de Bollaert est, lui, bien présent. Et si c'était justement ce beau jeu qui crispait l'équipe ? Les coéquipiers d'Eric Carrière attaquent, mais sans parvenir à concrétiser leurs occasions. En contrepartie, ils payent cher le risque pris de miser sur l'offensive en encaissant quelques buts évitables. Le match face au PSG en est la parfaite illustration : les contre-attaques adverses font mal aux Sang et Or. Doit-on s'attendre à une évolution du jeu lensois ? Joël Muller pourrait peut-être mettre le spectacle de côté pendant quelques semaines, le temps pour lui d'établir une réelle assise défensive et de privilégier le résultat plutôt que la manière. En étant plus efficace, le club de Gervais Martel progresserait de quelques places au classement et, la confiance aidant, les joueurs pourraient alors envisager de proposer un beau spectacle aux fidèles supporters lensois.
Le Racing Club de Lens a plutôt mal débuté sa saison. Après neuf journées de championnat, l'équipe occupe une peu glorieuse douzième place au classement et semblent ne plus savoir gagner. Mais en gagnant en efficacité et au vu de l'effectif lensois, constitué de joueurs confirmés, tous les espoirs restent permis pour les supporters Sang et Or.