
Une année pas comme les autres
Au début des années 80, le club de Saint-Sébastien a été sur le devant de la scène. Remportant le championnat espagnol en 1981 et 1982, les joueurs de Donostia (Saint-Sébastien en basque) avaient fait vaciller le coeur de plusieurs socios acquis à la cause des Basques. Plus de 20 ans après, la Real Sociedad est désormais très loin de cette première place occupée par les ténors habituels de la Liga (Real Madrid, Barcelone). La seule chose qui a subsisté est l'amour pour le maillot azul y blanco et l'appartenance au Pays Basque et à sa culture. Même si cette dernière est beaucoup moins visible que chez son voisin de l'Athletic Bilbao (80 Km séparent les deux villes), les racines basques sont bel et bien là. En effet, contrairement au club de Bilbao, les Donostiarras ne souhaitent pas avoir une équipe uniquement composée de joueurs basques. Toutefois, ça n'enlève en rien l'amour à de la région pour l'équipe de Saint-Sébastien.
Pourtant après plusieurs années passée à flirter avec le bas du classement ou le ventre mou de la Liga, la Real Sociedad a vécu une année 2002-2003 exceptionnelle. Cette saison là rien ne pouvait toucher l'équipe basque. Même lorsque les situations paraissaient désespérées, les Donostiarras parvenaient à inverser la tendance. Ainsi de fil en aiguille, l'équipe de la province de Gipuzkoa dirigée par Reynald Denoueix (ancien entraîneur déchu du FC Nantes) a commencé à truster la première place au classement de la Liga. S'appuyant sur Westerveld dans les buts, Aranzabal en défense et pêle-mêle Kovacevic, Nihat, De Pedro et De Paula, la Real Sociedad était inarrétable. Inarrétable mais pas inarretée : seul le Real Madrid a réussi à devancer à la fin de la saison le club donostiarra. Cette saison aussi merveilleuse qu'inattendue permettait à la Real Sociedad de terminer dans le wagon des places qualificatives pour la Ligue des Champions. Le rêve de toute un peuple.
Suite à cette saison de rêve, on attendait beaucoup de la Real Sociedad, peut être trop. Alors que l'année précédente tout souriait aux Donostiarras, l'année 2003-2004 peut être considérée comme son antithèse. Des carences défensives, une finition tantôt maladroite, tantôt malchanceuse sont venues accompagner l'exercice de la Liga pour la Real Sociedad. Faisant rapidement une croix sur le championnat, le club basque s'est rabattu sur la compétition phare de la scène européenne : la Ligue des Champions. Avec plus ou moins de mal, la Real Sociedad s'est toutefois hissé jusqu'au stade des huitièmes de finale avec comme adversaire l'Olympique Lyonnais. Le match aller a été à l'image de la saison des joueurs de Saint-Sébastien : moribonds tout le long du match, ils ont été incapables d'inquiéter une seule fois Grégory Coupet. Si ce n'est par un coup de tonnerre décoché par Valery Karpin et qui est venu violemment heurter la transversale lyonnaise puis rebondir sur la ligne. Dans les travées d'Anoeta, tout le monde se souvient de cette frappe du Russe et de ce qu'elle aurait changé sur la qualification si elle avait connu un meilleur sort.
Dure est la chute
Cette année, la Real Sociedad est très loin des joutes européennes et même de les envisager. Six journées ! C'est exactement le temps que tous les socios de la Real ont attendu pour voir la première victoire de leur équipe (1-0 contre l'Atletico Madrid). Avant cette date, le club basque occupait une place indigne de son rang avec cette 19ème place (deux points en cinq rencontres). José Maria Amorrortu, l'entraîneur de la Real Sociedad, a tout de suite compris que cette équipe avait besoin d'un déclic. Oscillant entre la 14ème et la 17ème place, le club basque ne pouvait pas espérer prendre meilleur envol que lors du derby basque contre l'Athletic Bilbao. D'ordinaire dans la plupart des autres pays, les derby sont vus comme des matchs à couteaux tirés où mauvais gestes sur le terrain ne riment pas vraiment avec bonne camaraderie. Au Pays Basque, la double confrontation annuelle entre la Real et l'Atlhetic est synonyme de féria et de convivialité.
Dans le cadre de cette 12ème journée de la Liga, la Real Sociedad reçoit donc l'Athletic Bilbao pour relancer sa saison. Le scénario vire à la catastrophe lorsque les joueurs de Bilbao inscrivent en fin de première mi-temps deux buts par Ezquerro et Urzaiz. Menés 0-2 à la pause, les coéquipiers de Jérémy Bréchet accomplissent une des meilleurs mi-temps de leur saison. Nihat par deux fois, puis Gabilondo inversent la vapeur. La Real s'impose 3-2 et pense au déclic attendu. Déclic qui semble être le bon car à la fin de l'année 2004, les Basques sont revenus à la 11ème place avec comme fait d'armes une éclatante victoire à l'extérieur sur la pelouse andalouse de Malaga (1-5). Les attaques de la Real retrouvent leur mordant. Preuve : les 84 minutes disputées à Santiago Bernabeu où les coéquipiers de Nihat (encore un but extraordinaire) ont fait mieux que faire jeu égal avec les «galactiques» du Real Madrid.
Cependant voilà dans toute bonne maladie, le plus difficile c'est la rechute. Est-ce ces fameuses six minutes rejouées face au Real Madrid et ce penalty encaissé synonyme de défaite (imméritée sur ce qu'on avait vu durant les 84 premières minutes) qui ont enraillé la remontée de la Real Sociedad ? Nul ne le sait. En tout cas, on sait ce qu'il est advenu depuis du Real Madrid. Toujours est-il que la suite du mois de janvier a été une longue descente aux enfers pour le club basque. Quatre défaites en quatre matchs, dont trois qui font très mal. Autant la défaite à domicile contre Albacete (0-2) et celle cédée dans les dernières minutes au Nou Camp face au Barça (1-0) sont terribles à avaler ; autant l'humiliation contre Villarreal à Anoeta (0-4) apparaît comme la cerise sur le gâteau.
A la chasse aux points
Quatre défaites consécutives, une 15ème place, c'est évidemment beaucoup trop pour des socios terriblement vexés par cette rechute. Action directe des supporters basques : 9 000 d'entre eux n'iront pas soutenir leur équipe lors de la 22ème journée à Anoeta pour la venue du champion d'Espagne en titre, le Valencia CF. C'est donc dans un contexte particulier que la Real Sociedad a commencé son opération rachat. Dans un stade ne comprenant que 15 500 spectateurs (soit une des plus faibles affluences de la saison), la Real Sociedad a livré le match le plus fou de cette journée. Rapidement menée au score suite à un but valencian de Di Vaio, la Real réussit à recoller au score avant la pause par son petit lutin turc Nihat. Mieux ! A onze minutes de la fin, Aranburu croit délivrer son équipe en donnant l'avantage aux Basques. Mais voilà, en face c'est Valence ! Et en moins de temps qu'il faut pour le dire Baraja puis Xisco redonnent les trois points à Valence. Dans ce match fou, il ne pouvait toutefois pas y avoir d'autres issues que l'égalisation de Nihat (sauveur attitré de la Real).
Ce match vaut pour la plupart des connaisseurs une victoire. En effet, marquer trois buts à Valence (parmi les meilleures défenses de la Liga) constitue un vrai exploit. Cependant, sur les cotes basques de l'Atlantique lorsqu'un problème disparaît, un autre ne tarde pas à apparaître. Le problème en question est le cas Nihat : onze buts cette saison, un statut de sauveur pour l'équipe…Mais voilà ! L'attaquant turc attire beaucoup de convoitises alors que faire ? Deux options : le prolonger à n'importe quel prix ….ou le vendre synonyme de forte rentrée d'argent. Ce choix est cornélien pour les dirigeants basques qui ne veulent évidemment pas envenimer la situation tendue avec les socios.
Le Turc fait sans aucun doute figure de grande satisfaction cette année. Auteur de onze buts cette année, sa complémentarité avec Darko Kovacevic ne fait que s'accroître et le petit lutin ottoman donne sérieusement le tournis aux défenses adverses. Il devient l'idole, le sauveur de toute une équipe et le remplacer dans l'animation du jeu parait une solution bien peu envisageable. Outre cette satisfaction du club basque, on peut noter également plusieurs déceptions. En effet, on n'attendait sûrement pas la Real Sociedad à pareille place en début de saison. Le club basque se distingue en effet plus par son parcours chaotique que par ses coups d'éclat. Comment peut-on être à deux doigts d'arracher le nul à Santiago Bernabeu et au Nou Camp et être puni par Villarreal de quatre buts à domicile ? Le problème reste entier.
L'ère Denoueix est bel et bien révolue ! La Real Sociedad n'arrive plus à retrouver l'ivresse des sommets et a replongé de plus belle dans ces saisons passées entre le bas du classement et le ventre mou. Toutefois, le club basque se distingue une année sur cinq. Plus que trois ans ?