Taille de la police
Annuler Valider
Paramètrages / Options
Annuler Valider
<
le 08/02/2005 à 18h46

Zébina, la muraille sous-médiatisée

1m84, 80 kg ! Une carrure de déménageur, pour un joueur tout ce qu'il y a de plus calme et posé. Jonathan Zébina, c'est le paradoxe même… C'est l'histoire d'un défenseur extrêmement talentueux qui, à 26 ans, ne compte aujourd'hui aucune sélection mais un superbe palmarès en club. Mais la roue serait-elle en train de tourner ? Portrait d'un amoureux du Calcio, devenu depuis peu l'un de ses plus dignes représentants.

Des débuts laborieux

Si vous avez grandi avec le manga japonais Captain Tsubasa (Olive et Tom dans nos contrées occidentales), vous vous souvenez certainement de Shingo Aoi. Ce tout jeune joueur, qui n'apparaissait pas dans la série originale, mais qui était le héros du supplément World Youth. Et bien Jonathan Zébina est à l'image de ce jeune joueur. Un espoir qui n'a jamais fait ses preuves dans son pays, mais qui a trouvé en Italie une terre d'accueil où il a pu exploser au grand jour. Et pourtant, ce n'est pas tout près de la frontière transalpine qu'a débuté le puissant défenseur de la Juventus de Turin. C'est à Palaiseau, et dans un rôle où l'on ne l'a jamais vu évoluer au plus haut niveau : celui d'attaquant ! Mais très vite, il abandonne ses desseins offensifs, écarté de l'attaque par un certain Thierry Henry. Un choix d'entraîneur qui a guidé sa carrière par la suite : «Depuis, j'y suis resté !» , confie-t-il…

Et c'est à ce poste qu'il est repéré par l'AS Cannes et son centre de formation réputé (il a enfanté un certain Zinedine Zidane, pour ne citer que lui). Zébina fuit donc le ciel gris parisien pour le bleu azur de la Croisette. Dès sa première année avec Cannes (1996-97), il dispute six rencontres, mais ne tarde pas à s'imposer. L'année suivante, il devient un élément clé de l'équipe et se voit aligné à 21 reprises. Un renfort pas suffisant pour Cannes, qui se voit tout de même relégué en D2, entraînant Zébina dans sa chute. L'AS Cannes retrouve l'anonymat de la Division 2, après une dix-huitième place au sein de l'élite. Et à la surprise générale, aucun club français ne se manifeste pour s'offrir les services du jeune talent. Mais le défenseur le sait, ce n'est que partie remise…

L'aventure italienne débute

Et la chance ne tarde pas à tourner. En 1998, le petit club de Cagliari, pensionnaire de Série A italienne, décide de s'offrir les services du jeune défenseur à la suite d'un gros concours de circonstances, comme s'en amuse le principal intéressé : «Un défenseur cannois s'est blessé lors d'un match contre l'OM. Je suis donc entré en jeu. Venu superviser Cyrille Domoraud, le président de Cagliari m'a repéré et proposé un contrat. J'ai pris le risque d'accepter, car je ne voulais pas évoluer en Deuxième Division française. De toute façon, je n'avais aucune proposition ici.» Et son choix s'avère vite payant puisqu'il devient l'une des tours de contrôle de la défense de Cagliari, profitant des blessures à répétition de ses concurrents potentiels. Et la première saison se déroule à merveille, Zébina s'épanouit dans son nouveau club, comme il se plaît à se le remémorer : «Cagliari était un endroit calme, qui ressemble un peu à La Corse, le lieu idéal pour débuter en Italie.» Mais l'année suivante, le club sarde est finalement relégué en Série B et l'on sent venir pour le défenseur français un nouveau syndrome Cannes.

Et pourtant, cette fois ses performances individuelles ne passent pas inaperçu… A 22 ans, il se voit courtisé par les plus grands clubs italiens : «La Lazio, l'Inter et la Juve m'ont fait des propositions. Tout est allé très vite, je n'ai pas eu le temps de me retourner.» Et, entre tous ces choix, Zébina se décide finalement à rejoindre la Roma, sur les conseils de l'agent de Ronaldo. Il s'engage donc avec le club de la capitale et se prend à rêver de gloire. Dès sa première année au sein de l'effectif romain, il se fraye un chemin entre les Totti, Batistuta, Nakata, Delvecchio, Aldaïr et autres Candela. Ce dernier, notamment, aura laissé un grand souvenir au défenseur turinois : «Vincent (Candela) a tout fait pour que je me sente bien. Il m'a donné des tas de petits conseils. Ce mec, c'est la grande classe.» Et ces «petites conseils» ne tardent pas à payer, puisque Zébina devient l'un des fers de lance de la formation de Fabio Capello. 22 rencontres en 2000-01 et 24 en 2001-02 le mènent finalement vers le sésame pour tout joueur qui se respecte : la sélection nationale.

Un scudetto, la Juve, et le «Groupe France»

Roger Lemerre, alerté par ses performances de haut rang avec son club et avec les A', se décide à l'intégrer dans sa liste de joueurs pour le match amical entre l'Espagne et la France à Valencia, le 28 mars 2001. Mais le défenseur n'entre pas sur le terrain, et doit remettre sa consécration à plus tard… Et au delà de cette désillusion, Zébina sait qu'il lui reste encore beaucoup à prouver, et que sa place n'est pas définitive au sein de l'effectif romain. Il sait que seul l'axe central de la défense lui offrira une titularisation possible, comme il l'analysait à juste titre il y a quelques saisons : «Sur les côtés, avec Cafu et Candela on n'a pas besoin de remplaçants.» Mais assurément, le défenseur aime prendre son temps : «Je fais mon chemin petit à petit. Je n'ai pas éclaté du jour au lendemain. En fait, j'ai l'impression de progresser à chaque rencontre» , ajoutant même avec une lueur revancharde dans les yeux : «J'ai pris un chemin difficile. Aujourd'hui, ça marche. Beaucoup d'étrangers ont dû quitter l'Italie très rapidement. Pas moi. Je suis fier de ça !»

Et la machine n'en finit plus de s'emballer. Deux saisons supplémentaires et un scudetto (2001) avec la Roma finissent de lui assurer une place de titulaire dans l'effectif romain. Mais Zébina veut passer une nouvelle étape : «A un moment, j'ai compris que j'aurais très peu de possibilités de rejoindre le groupe France en restant à Rome. J'étais en fin de contrat, l'opportunité de me mesurer à de nouvelles ambitions est arrivée à la Juventus. C'est un club qui a plus d'aura médiatique.» Il succombe donc aux charmes de la Vieille Dame et s'engage avec la Juve, où il retrouve un certain Fabio Capello. Et le technicien transalpin, qui connaît les qualités du jeune homme, n'hésite pas à le faire jouer. A la mi-saison, le défenseur a déjà disputé près d'une vingtaine de rencontres toutes compétitions confondues, et fait partie des pièces maîtresses de l'une des meilleures défenses d'Europe (14 buts encaissés en 23 matchs). Une performance en grande partie associée à celle de son nouveau compagnon en défense, Lilian Thuram, dont il loue les qualités : «Quand vous voyez sa rigueur, vous comprenez tous les bons résultats qu'il a obtenus au cours de sa carrière. Les conseils d'un gars comme Thuram, c'est de l'or. Il peut me faire gagner du temps. Il était mon modèle quand je suis arrivé en Italie. Champion du monde, champion d'Europe, meilleur défenseur de Série A…» Et le palmarès a de quoi laisser rêveur, en effet…

Et aujourd'hui, Zébina a de nouveau sa chance d'intégrer l'Equipe de France. Car Raymond Domenech n'a pu faire la sourde oreille à l'explosion du défenseur turinois de l'autre côté des Alpes. A 26 ans, il sait qu'il peut s'imposer comme un titulaire indiscutable dans l'axe des Bleus. Et comme il le dit lui-même : «Un bon acteur a forcément envie, à un moment, de remporter un oscar !» .

Par Yann Buxeda, le 08/02/2005 à 18h46

Pour signaler un abus, contactez
Ajouter un commentaire ... Les insultes sont passibles d'une amende de 12.000€ et jusqu'à 45.000€ pour les injures racistes, homophobe, handiphobe ou sexiste. N'oubliez pas que vos messages ici sont publics et qu'en cas de plainte votre identité réelle peut être révélée à la justice.
cliquez ici pour afficher les
commentaires disqUS