Deux ans d'enfer
Dans cet OM hésitant, presque à la dérive du début de saison, l'une des rares bonnes surprises aura été le retour inattendu de José Delfim. Alors que les supporters gardaient un vague souvenir des prestations quelconques du Portugais lors de l'exercice 2001-2002, grande fut leur surprise de retrouver un joueur compétitif au style épuré. Propre, simple, Delfim a, dès ses premiers matchs, démontré qu'il avait retrouvé un niveau plus qu'acceptable.
Engagé en 2001 par l'OM, Delfim est alors présenté par Bernard Tapie comme le nouveau Didier Deschamps. Après avoir disputé une vingtaine de matchs sous le maillot marseillais en 2001-2002, Delfim se plaint d'une douleur début août 2002. Vont alors suivre plus de deux ans d'enfer. Séjours à l'hôpital, opérations, fauteuils roulants… José Delfim n'a alors plus rien d'un footballeur professionnel. Suite à un mauvais diagnostic du staff médical de l'OM, Delfim est opéré trois fois en trois mois.
«Je sentais bien que quelque chose n'allait pas, mais je me suis plié à toutes les demandes, je me suis rendu aux centres de rééducation, qui n'ont en réalité fait qu'aggraver mon cas. L'inflammation avait décuplé.» Il consulte alors un neurochirurgien qui va le sortir d'affaire. «Il m'a dit qu'il voulait me rendre mon intégrité d'homme. Mais il ne m'a jamais caché qu'il ne pouvait rien promettre au footballeur. J'ai connu bien sûr la haine, la frustration.» Malgré tout, Delfim s'accroche. «C'est mon éducation qui m'a permis d'avoir cette force-là, raconte le Portugais. C'est l'exemple de mon père qui m'a servi, lui qui, après avoir subi un grave accident de chasse quand j'avais treize ans et vécu des choses terribles, avait toujours gardé le sourire.» A l'automne 2004, Delfim commence enfin à voir le bout du tunnel, après une période bien difficile. Le joueur de l'OM décrit son calvaire : «J'ai subi quatre opérations, plusieurs infiltrations, j'ai été plusieurs fois sous corticoïdes, on m'a mis quatre vis dans le dos. J'ai vécu des souffrances incroyables, tout seul. Pendant dix-huit mois, je n'ai pas pu soulever mes enfants, jouer avec eux.»
«Juste prendre du plaisir»
A l'automne 2004, Delfim reprend l'entraînement avec l'OM, qui décide de le prêter six mois au Portugal, à Moreirense. Il n'y dispute que sept rencontres, mais retrouve peu à peu le rythme. «J'ai passé 26 mois sans pouvoir fournir d'effort physique, tout en souffrant physiquement. Mais je ne me suis pas précipité» , explique simplement le milieu défensif de l'OM. «C'était important d'être chez moi, de montrer à ma famille, mes amis et au monde du football portugais que j'étais toujours là.» Ce retour au haut niveau, il le doit à sa force de caractère et sa passion pour le football. «J'ai tout donné pour revenir, déclare-t-il. Le foot, c'est ma passion et ma profession. J'ai deux enfants, j'avais envie de leur montrer que leur père ne baissait pas la tête, qu'il faut toujours s'accrocher à la vie. J'ai tout vécu. La priorité, c'est la santé et l'intégrité physique. J'ai quatre vis à vie et une plaque pour fixer deux vertèbres. Les médecins ne savaient pas si j'étais capable de rejouer un jour.» A la fin de la saison 2004-2005, Marseille veut dégraisser et le milieu portugais, qui n'est alors qu'une charge pour le club, est proche du départ. Finalement, il reste et Jean Fernandez l'incorpore rapidement à l'équipe. Delfim rejoue avec l'OM au stade Vélodrome pour le fameux match contre le Deportivo La Corogne (5-1). «Je viens de jouer au Vélodrome quarante mois après (OM-Montpellier en mai 2002) et ça a été énorme, confiait-t-il après la rencontre. L'équipe a fait un match extraordinaire, il ne faut garder que le positif car on s'est éclaté.»
L'épreuve qu'il a subi a fait de lui un autre joueur, avec une perception très différente du métier de footballeur. «J'avais tout perdu, raconte-il. J'ai vécu des choses incroyables, j'ai vu ma carrière fichue. Ce que je vis aujourd'hui, c'est comme une deuxième vie. Je n'ai plus peur de rien.» Après des débuts étonnants, le récupérateur portugais accuse un peu le coup depuis quelques semaines. Le manque de rythme se fait naturellement sentir, mais pas de quoi remettre en cause la suite de sa carrière. La joie de jouer, de pouvoir faire partie de l'effectif marseillais, voilà ce qui compte pour lui, sans prise de tête superflue. «Aujourd'hui, je vois les choses bien différemment. Avec tout ce que j'ai vécu, je veux juste prendre du plaisir. Je m'entraîne toujours de la même manière que je sois un titulaire ou pas.»
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Delfim a déjà gagné le respect, et avec sa volonté il a les moyens d'être l'un des joueurs importants de l'OM cette saison. «Je ne lâche rien, pour récupérer tout ce que j'ai perdu en 36 mois» , dit-il. «Je fais de chaque entraînement une compétition, un match.» La motivation de l'ancien joueur du Sporting fait l'admiration de son entraîneur, Jean Fernandez. «C'est un homme, un véritable guerrier» , affirme Fernandez bien conscient du chemin parcouru par son milieu récupérateur. Avec le lourd calendrier des Marseillais, Fernandez peut compter sur un atout supplémentaire, à l'état d'esprit exemplaire. «Dans le haut niveau, estime Delfim, il faut tout donner, afin d'être disponible pour les matchs de championnat et ceux de Coupe d'Europe pendant la semaine.» Plus qu'un joueur qui retrouve progressivement ses sensations, Delfim est un atout moral pour l'équipe marseillaise. Peut-être un symbole pour un renouveau. Le milieu lusitanien a surpris tout le monde lors de ces premières apparitions. «Franchement, je ne m'attendais pas, au vu de cette intersaison, à ce qu'il retrouve ce niveau aussi vite, reconnaît Jean Fernandez. Nous sommes très contents et très fiers pour lui. Il a beaucoup de qualités humaines, c'est un exemple pour tout le monde.»
En contrat jusqu'en 2006 avec l'OM, Delfim est resté un long moment sans être payé, de juin 2003 à son retour sur les terrains d'entraînements à l'automne 2004. Ajouté au mauvais diagnostic qui lui a coûté du temps et de la souffrance, Delfim a des sujets de conflit avec son club. Mais aujourd'hui, il veut apaiser les tensions et ne voir que l'aspect sportif. «J'étais dans un trou, rappelle-t-il. Je m'en suis sorti en regardant toujours devant moi. C'est ma philosophie de vie. Le club a changé et les gens qui ont fait ce que l'on sait ne sont plus là. Je me sens bien.» Tout ce qui compte désormais pour Delfim c'est de prendre du plaisir et de retrouver la forme : l'endurance, l'accélération, la capacité d'enchaîner les matchs, les repères, bref tout ce qui peut manquer à un footballeur resté deux ans et demi sans jouer.
«A chaque entraînement qui se termine, il me suffit de m'apercevoir que je n'ai mal nulle part pour être heureux» , dit-il simplement.
Quasiment perdu pour le football à cause de graves problèmes au dos, José Delfim est revenu au haut niveau depuis le début de saison. Dès ses premiers matchs, il a prouvé qu'il méritait sa place dans l'effectif de l'OM, après trois saisons quasiment vierges. Avec un tel mental, il sera l'un des joueurs sur lesquels Jean Fernandez pourra compter.
Nom : Delfim
Prénom : José
Né le 5 février 1977 à Amarante (Portugal)
Taille : 1,75 m
Poids : 82 kg
Clubs : Boavista, Sporting CP, Marseille, Moreirense, Marseille.