La question posée dans le titre de l'article a de quoi étonner à première vue et pourtant, elle mérite réflexion. Aux rayons des joueurs sous cotés qui foulent toujours les pelouses, Thomas Müller est probablement celui qui truste la première place. Mais Mohamed Salah (32 ans) peut également être considéré comme faisant partie de cette catégorie.
Absent pour le Ballon d'Or... et pour le Joueur africain de l'année
Une preuve ? Sa dernière saison. Toutes compétitions confondues, club et sélection compris, l'ailier de Liverpool a été directement impliqué sur 49 réalisations en 54 matchs : 31 buts marqués, 18 passes décisives délivrées. A titre de comparaison, Vinicius Junior, que beaucoup estimaient et estiment être le Ballon d'Or 2024 devant le lauréat, Rodri, a marqué 26 buts et distribué 11 offrandes en 48 matchs. Alors oui, certains buts, comme celui inscrit en finale de la Ligue des Champions par le Brésilien, valent plus que d'autres. Néanmoins, cela n'explique pas forcément pourquoi le sixième joueur le plus décisif en 2023-2024, le quatrième si l'on prend seulement en compte les cinq grands championnats européens, a été oublié parmi les 30 finalistes du Ballon d'Or après cinq nominations consécutives (6e en 2018, 5e en 2019, 7e en 2021, 5e en 2022, 11e en 2023).
Élu Joueur Africain de l'année en 2017 et 2018, le Pharaon a échoué à la 2e place au cours des trois dernières éditions en terminant derrière Sadio Mané en 2019 et 2022 puis dans le rétroviseur de Victor Osimhen en 2023. Il ne finira pas sur le podium en 2024 puisque la CAF a eu la brillante idée de ne pas l'intégrer parmi les dix finalistes en dépit de sa dernière campagne de très haute volée. L'ancien joueur de l'AS Roma a été naturellement devancé par l'immense favori au titre, Ademola Lookman, 14e au Ballon d'Or 2024, ainsi que Serhou Guirassy, lui aussi exceptionnel en 2023-2024. Ronwen Williams, William Troost-Ekong, Amine Gouiri, Achraf Hakimi, Soufiane Rahimi, Edmond Tapsoba, Simon Adingra et Chancel Mbemba, également retenus par l'instance, sont assurés de terminer devant lui. Logique ? Chacun se fera son propre avis.
Un début de saison canon, et pourtant
Alors que son compère en sélection, Omar Marmoush – 14 buts en 10 passes décisives toutes compétitions confondues en club - marche sur l'eau ces dernières semaines et tente de tenir tête à Harry Kane pour le titre de meilleur buteur de Bundesliga, Salah se retrouve dans un relatif anonymat. Et pourtant, il affiche un bilan de 12 réalisations et 10 offrandes entre son club et son pays. Est-il devenu si fort au point de banaliser ses performances ? C'est possible. Cette saison, seules quatre équipes ont réussi à le limiter : Milan, Nottingham Forest, Crystal Palace et le Cap-Vert. Toutes les autres sont passées à la caisse, avec notamment des prestations exceptionnelles contre Manchester United (1 but et 2 passes décisives), Chelsea (1 but et une passe décisive), Arsenal (1 but) ou encore le Bayer Leverkusen (2 passes décisives).
Sur le rythme qui est le sien, Salah ne devrait pas avoir de mal à proposer un bilan chiffré plus ou moins proche de ce qu'il nous offre depuis son arrivée sur les bords de la Mersey. Sur ses sept premiers exercices avec les Scousers, il n'est jamais passé en dessous des 23 buts (2019-2020), une saison durant laquelle il a tout de même délivré 13 offrandes. Il a passé la barre des 30 pions avec Liverpool à trois reprises et a même réussi l'énorme performance de marquer 44 buts pour sa première saison (2017-2018) du côté d'Anfield. Meilleur buteur européen (48) de l'histoire du club, l'ex-feu follet de la Fiorentina est aussi le cinquième meilleur buteur du LFC avec 221 réalisations en 366 matchs. Dans le TOP 10, il a d'ailleurs le deuxième meilleur ratio (0,60) derrière Gordon Hodgson (0,64), passé dans l'équipe entre 1925 et 1936.
Une CAN pour entrer dans la pièce d'Eto'o ?
Concrètement, que doit encore faire Salah pour être jugé comme un des meilleurs joueurs de sa génération ? A Liverpool, il a déjà tout gagné et n'a plus rien à prouver. Le joueur en fin de contrat en juin prochain peut encore prendre de la hauteur au classement des meilleurs buteurs de l'histoire de la Premier League. Avec 165 réalisations – dont deux avec Chelsea - il n'est déjà plus qu'à dix longueurs de la 7e place occupée par Thierry Henry (175). Si Frank Lampard (6e, 177) est rattrapable sans prolongation, il lui faudra probablement une année de plus pour souffler dans le cou de Sergio Agüero (5e, 184) et Andy Cole (4e, 187). En revanche, il lui en faudra probablement plus pour chatouiller Wayne Rooney (3e, 208) et Harry Kane (2e, 213) tandis qu'Alan Shearer (1er, 260) semble inatteignable et intouchable pour un long moment encore.
La seule faiblesse de Salah, c'est finalement avec son équipe nationale. Si avec 58 buts en 101 capes, il occupe le cinquième rang des meilleurs buteurs africains en sélection derrière Godfrey Chitalu (75, Zambie), Kinnah Phiri (66, Malawi), Hossam Hassan (66, Égypte) et Didier Drogba (65, Côte d'Ivoire), l'absence de titres l'empêche pour le moment de se rapprocher un peu plus du podium des plus grands joueurs de l'histoire du continent. Double finaliste malheureux de la CAN (2017, 2022), celui qui a inscrit 7 buts dans l'épreuve – loin, très loin des 18 buts de Samuel Eto'o – devra nécessairement aller chercher une huitième étoile à son pays pour bousculer la hiérarchie. Un manque qui pourrait en partie expliquer cette impression de ne pas être considéré à sa juste valeur malgré ses immenses accomplissements. Lors de la prochaine CAN, peut-être ?
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