Un jeune homme têtu
A l'intersaison 2003, après le départ de Vahid Halilhodzic pour le PSG, on ne donnait pas cher du futur d'Alexander Frei en Bretagne. Auteur d'un seul but en treize rencontres, la presse voyait déjà le Suisse retourner en Suisse. Mais c'est mal connaître le jeune homme. Avide de reconnaissance, le jeune attaquant a décidé de rester en France, d'attendre son nouvel entraîneur et de montrer sa valeur. Aujourd'hui, le résultat est là.
Non, il n'a pas eu comme premier cadeau un ballon. Non, il ne jouait pas dans la cour de son immeuble dès son plus jeune âge. Non, il n'as pas tout de suite séduit les recruteurs du monde entier. Quand il était petit Alexander Frei aimait la plage et se promener dans les parcs avec sa maman. Entre les multiples déménagements de son père, entre Bâle, Genève et Nyon - où il a passé une grande partie de son enfance -, le petit Alexander s'occupait surtout de bien figurer à l'école. Mais le ballon rond l'a rattrapé. Au club de foot du FC Begnins jusqu'en Juniors E (9-10 ans), il s'amuse sans se prendre au sérieux. «Je serais incapable de me rappeler à quel poste j'évoluais, avoue-t-il. A cet âge, le jeu s'apparente en effet plus à une mêlée qu'à autre chose.»
Découvert au Servette Genève
Il quitte le club vers dix ans pour suivre son père qui est muté à Bâle. Les portes du «grand» FC Bâle s'ouvre alors à lui. Il intègre les équipes de jeunes et gravit les marches petit à petit. Attaquant rapide et agile, renard des surfaces, il se présente vite à la porte de l'équipe première qui ne s'ouvre que rarement. Onze bouts de matches et un but plus tard, Frei décide d'aller s'aguerrir en LNB (deuxième division suisse). Au FC Thoune, club au budget modeste mais sain, le charismatique entraîneur Andy Egli lui donne la confiance refusée à Bâle. En une saison, il dispute 34 rencontres et inscrit 7 buts. A l'intersaison, Egli part pour le FC Lucerne (LNA, 1ère division), Frei dans ses valises.
Là-bas, en deux saisons, il claque 15 buts en 32 matches et attire le regard du Servette Genève. Le deal est vite conclu et Frei retrouve sa région d'enfance. Si la première saison il ne joue que douze fois (pour quand même six buts), la deuxième est plus prolifique avec 33 matches et 17 réalisations. Son efficacité fait alors du bruit en Europe : au mercato d'hiver 2003, le VfB Stuttgart et le Borussia Monchengladbach envisage de faire signer l'artificier suisse, mais c'est le Stade Rennais, en mal d'attaquants efficaces, qui arrache le nouvel international. Ce n'est pas pour ça que Frei arrive en terrain conquis. Halilhodzic ne lui fait pas confiance et préfère le voir évoluer en CFA. «Peut-être fallait-il ces heures de bus aller-retour en CFA pour grandir encore ?» , se demande aujourd'hui l'avant-centre.
Un quadruplé contre l'OM
Pourtant, pour lui, une autre explication existe: «Je n'aime pas dire ça, mais personne ne peut contester qu'un Brésilien, un Argentin partent avec une cote supérieure, vingt pour cent d'admiration en plus. Mais j'ai tenu bon, le travail, a rage, l'orgueil paient toujours.» Au début, les apparitions sont donc intermittentes et peu convaincantes. Halilhodzic entend sauver le club en privilégiant la défense. Piquionne, plus rapide en contre-attaque lui est préféré. A l'intersaison, l'arrivée de Bölöni ne lui facilite pas la vie : malgré cinq buts lors des matches de préparation et plus de buts en CFA que de matches, le Roumain n'est pas convaincu et relance Lucas ou préfère Piquionne et N'Guéma. «Je n'ai pas lâché, avoue le joueur aujourd'hui. Ca j'en suis fier. Je ne demandais qu'à avoir ma chance pour prouver si j'avais les qualités ou pas.» Finalement, sa chance arrive en novembre.
Le déclic a lieu contre Strasbourg. Titularisé, il inscrit le premier but de son équipe. Le match suivant, toujours à domicile, il récidive. Depuis le match contre les Alsaciens, il a marqué au stade de la Route de Lorient onze fois en dix matches et n'est resté muet que trois fois. Au passage, son quadruplé contre l'OM d'un certain Fabien Barthez fait du bruit dans toute l'Europe et lui permet de rentrer dans l'histoire en rejoignant notamment Klinsmann, Djorkaeff, Anderson et Cissé, tous auteurs de cet exploit. Quant on le félicite, il répond modestement : «Merci, mais à part le troisième but, j'ai à chaque fois bénéficié de passes extraordinaires de Monterrubio ou de Källström. C'est facile de mettre quatre buts dans ces conditions !» Aujourd'hui, son seul problème demeure son inefficacité récurrente à l'extérieur où il n'a marqué que deux fois… ce week-end contre Strasbourg. Sûrement un nouveau déclic contre les Alsaciens.
Après des débuts difficiles sans la confiance de ses entraîneurs, Alexander Frei a su convaincre par son talent, mais aussi par sa persévérance. Aujourd'hui, il se classe parmi les meilleurs buteurs de Ligue 1 (13 buts, autant qu'un certain Pauleta) et espère continuer dans cette voie, sans oublier l'Euro au Portugal en fin de saison, où la Suisse rencontrera la France… avec Fabien Barthez dans ses buts.
Nom : Frei
Prénom : Alexandre
Âge : 24 ans
Date de naissance : 15 juillet 1979
Nationalité : Suisse
Taille : 1m79
Poids : 74kg
Poste : attaquant
Club actuel : FC Rennes (2003-?)
Clubs précédents : FC Bâle, Suisse (1997-1998), FC Thoune, Suisse (1998-1999), FC Lucerne, Suisse (1999-2000), Servette Genève (2000-2003).
Sélections : 23 en Equipe de Suisse A, 13 buts.
Palmarès : vainqueur de la coupe de Suisse 2001 (Servette Genève).